Le mystère du voile vaporeux qui enveloppe le sourire de la Joconde, le "sfumato", est éclairci: Léonard de Vinci a utilisé pour peindre le portrait de Monna Lisa une technique de superposition de couches, dont un glacis inventé à l'époque par les Primitifs flamands.
La partie superficielle du tableau est une superposition de couches de "terre d'ombre", une ocre contenant un peu de manganèse, caractéristique d'un glacis, a précisé à l'AFP l'auteur d'une étude sur la technique utilisée par Léonard de Vinci, Mady Elias, chercheuse du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
La seconde couche est "un mélange de 1% de vermillon et 99% de blanc de plomb, technique utilisée par tous les Italiens à l'époque", a ajouté la chercheuse, en soulignant que son étude publiée par la revue Applied Optics représentait "la seule démonstration scientifique de la composition" des peintures utilisées.
Le "sfumato", cette apparence vaporeuse perçue par les admirateurs de Monna Lisa, est rendu par cette superposition. "Ce n'est plus une théorie, on est sûrs de ce que l'on a démontré, cela n'avait jamais été fait auparavant", s'est réjouie Mady Elias, en précisant que son analyse avait été réalisée sans toucher au tableau.
La présence sur la Joconde d'un glacis --la superposition de couches d'un seul type de pigment en surface-- est une révélation car cette technique était alors uniquement utilisée par des Primitifs flamands tels que Van Eyck et Van Der Weyden. "Ils utilisaient un seul type de pigment, très peu concentré. D'où l'effet magique de cette couleur qui a l'air d'être créée en profondeur, et non pas en surface", explique Mady Elias.
Cette technique aurait été diffusée en Italie par un contemporain de Vinci (1452-1519), le peintre italien Antonello Da Messina, à la suite d'un voyage dans le Nord de l'Europe.
D'autres spécialistes avaient tenté de percer le secret du "sfumato", dont Jacques Franck, peintre et historien d'art, qui a réalisé des tableaux pointillistes reproduisant des portraits de Léonard de Vinci avec des touches allant au 1/30e ou au 1/40e de mm.
"Il n'avait pas complètement tort" parce que le glacis, c'est plusieurs couches superposées: lui a placé des petits points horizontalement et "nous démontrons que c'est une stratification verticale", note l'auteur de l'étude.
Une étude canadienne à base d'imagerie numérique, réalisée grâce à un système de balayage laser sophistiqué, avait pour sa part révélé que le peintre avait enveloppé Monna Lisa d'un "voile de gaze" fine et transparente.
Mais "il n'y a que notre technique qui peut mettre en évidence un glacis", affirme Mady Elias.
Les composants de ces couches ont été identifiés sans toucher à l'oeuvre grâce à une caméra multi-spectrale permettant de mesurer cent millions de spectres lumineux en autant de points du tableau, mise au point par Pascal Cotte, directeur technique de la société Lumiere Technology, dont le siège est à Paris.
"La lumière projette sur un tableau un rayon lumineux" qui permet de mesurer les spectres des composants de la couche picturale (liant, vernis, mélange pigmentaire), une mesure à la fois optique (240 millions de pixels), physique et chimique, selon le président de Lumiere Technology, Jean Pénicaut.
Avec cet appareil, se félicite le responsable de Lumiere Technology, "on prend une photo tellement puissante qu'on est capables d'assurer une analyse dans les couches superficielles (vernis), comme dans la couche picturale la plus profonde avec les dessins sous-jacents, les repentirs".
AFP
Menara.ma