« Toubiba », c’est ainsi qu’elle a été connue par la population jdidie dans la ville de Mazagan, durant les années 20 et 30, Mazagan, El Jadida aujourd’hui, où elle est venue en 1913 sur appel de Lyautey pour exercer la médecine et soigner des malades pendant des décennies en compagnie de son mari qui exerçait avant en Afrique subsaharienne.
C’est Eugénie Rubinsteïn-Delanoë (1987-1951) et son mari Pierre Delanoë tous les deux enterrés dans le cimetière chrétien d’El Jadida. Deux vies exemplaires de deux médecins dédiées aux soins prodigués aux malades pauvres. C’est cette histoire de pionnière de la médecine que raconte sa petite-fille Nelcya Delanoë, écrivain, historienne, dans « La Femme de Mazagan ». Destin d’une femme qui vient du bout du monde, la grande Russie, pour trouver un sens à sa vie avec un engagement humaniste dans la petite ville de Mazagan.
En fait le livre n’est pas voulu simple. La petite fille aborde l’histoire de sa grand-mère d’une manière originale, lucide en racontant la sienne propre.
Tout en gravitant autour des souvenirs, documents familiaux et surtout l’unique bouquin laissé par la Toubiba où elle raconte son histoire, un ouvrage intitulé prosaïquement « Trente années d’activités médicales et sociales au Maroc ». Un livre silencieux sur l’histoire des deux guerres, écrit avec application par cette femme polonaise d’origine juive qui a fui la Russie tzariste à quelques années de la Révolution.
« Alors qu’à cette date Eugénie, la juive polonaise-russe, n’a pas connu moins de deux guerres mondiales et deux révolutions, tout ce qui transpire dans ce qu’il faut bien appeler des Mémoires, c’est un « vive la France » fossilisé d’avant 1914 ! »
Tout un pan de vie peut-être plus ou autant essentiel est éludé.
La petite fille essaie de reconstituer ce qu’a été la grand-mère à travers ses motivations profondes, son engagement professionnel et humanitaire non sans humour et subtilité en s’impliquant.
« Mais ce qu’elle peut être agaçante avec son écriture appliquée typique de l’étrangère qui cherche à faire française »
Eugénie immigrera en Amérique du Nord en 1945 mais exigera d’être inhumée au Maroc en laissant deux enfants.
Le Maroc ni l’histoire n’oublieront pas la famille Delanoë, le père de Nelcya, Guy Delanoë fils de la Toubiba lui-même médecin, cardiologue, né à El Jadida en 1916 qui s’engagera pour l’indépendance du Maroc par son action au sein de « Présence française » dont il sera le président. Un de ses témoignages est cité dans le livre de Jean-Luc Pierre « Casablanca et la France mémoires croisées XIXème et XXème siècles » (Editions La Croisée des chemins) où il dit qu’il ne s’était jamais senti étranger au Maroc et qu’il a eu en même temps deux langue maternelle le français et darija.
« La Femme de Mazagan » en fait une réédition paru chez Eddif dans la collection Bibliothèque arabo-berbère dirigée par J6 Péroncel-Hugoz.
Nelcya Delanoë est historienne auteur d’une douzaine d’ouvrages dont « Poussières d’empires » sur les soldats marocains du corps expéditionnaire français en Indochine.
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