Livre
«Al Khayma, tente noire du Sahara» de Rahal Boubrik et Saâd Tazi
Cette demeure sahraouie qui suscite beaucoup d'intérêt et de réflexion
Publié le : 17.10.2008 | 19h01
Rahal Boubrik et Saâd A.Tazi, deux anthropologues qui se sont penchés sur une étude bien approfondie concernant un legs ancestral, de la population nomade, qu'est « La Khayma » ou la fameuse tente noire comme l'a appelée dans sa préface Ali Benabdelkader Squalli. Cette recherche scientifique et historique a trouvé refuge dans un beau livre, paru dans les éditions Marsam, où les deux auteurs décortiquent, d'une manière très professionnelle, cette habitation du Sahara qui a, de tout temps, suscité un intérêt tout particulier chez les citadins, vu sa splendeur et sa magie exceptionnelles.
Ayant connu de nombreuses transformations dans notre époque, celle-ci «constitue l'une des composantes fondamentales de la fabuleuse beauté du Sahara Atlantique et de son éternel attachement à son passé et à son présent », écrit A.Squalli.
Ainsi, toute une histoire ancestrale restitue ce legs en textes, images et dessins convergeant tous vers cette belle demeure sahraouie, et mettant en exergue les traditions et les coutumes, de cette population, transmises de génération en génération sans subir une quelconque altération au cours du temps. C'est tout simplement parce que ces populations nomades tiennent beaucoup à leur mode de vie bien particulier.
Les deux spécialistes du Sahara, Rahal et Saâd, qui ont collaboré dans l'écriture de cet ouvrage, se basant sur leur profonde connaissance des régions du Sud, apportent, également, énormément sur le savoir-vivre de la population sahraouie, vu qu'ils l'ont côtoyée de très près et vécu son quotidien un peu spécial, mais constituant toute une civilisation très ancrée dans les régions du Sud. Ainsi, tout au long de ce bel ouvrage, sont relatés les réunions des femmes dans la Khayma dans leur coin réservé spécialement pour elles, la cérémonie du thé qui a une saveur bien sahraouie, le jeu du Sig que les femmes pratiquent à l'intérieur de la tente, les activités domestiques quotidiennes, la course des dromadaires, les jours de fête et de Fantasia, entre autres, mettant en relief le rôle de la femme dans le quotidien de la khayma.
Ce rôle primordial qui lui permet de s'occuper des enfants, des tâches ménagères, de la fabrication du beurre et de la crème, du maintien de l'équipement de la tente, du tissage et de la fabrication de cette même tente qui est le cœur battant de la vie au désert. D'ailleurs, comme l'expliquent bien les auteurs du livre, « le terme qui désigne le mariage est dérivé de khayma, tkhayyam, qui veut dire, il s'est marié, mtkhayam, mtkhayma, marié(e).
C'est aussi une expression de statut social. Khayma Kbira, une grande tente, signifie tente d'une personne généreuse, brave ou notable ». Khayma sghira signifie, bien sûr, famille radine, non hospitalière.
Autant de mots et d'expressions très connus dans ce monde nomade, vivant en collectivité et maintenant leurs liens avec une grande solidarité. Celle-ci est exprimée en premier lieu par la fabrication collective de la tente avec tout un cérémonial accompagnant cette confection en groupe appelée «twiza».
Dans leurs recherches, les auteurs ont constaté que cette tente, pleine d'histoires et de contes, est en train de disparaître progressivement, au profit de la sédentarisation, de plus en plus croissante, des hommes du désert. Mais malgré sa disparition progressive, la Khayma reste toujours présente dans les moussems, fêtes et festivals sahraouis.
Rahal Boubrik et Saâd Tazi, réputés pour leurs connaissances des provinces du Sud, ont aussi relevé, dans leur ouvrage, toute la différence existant entre les tentes des pays arabes ou asiatiques, ainsi que la composition de chacune, avec une ressemblance très impressionnante des Khayma de certains pays, tels le Maroc, la Mauritanie, l'Algérie et la Tunisie. Les résultats des recherches de Saâd et Rahal montrent bien que «La tente est aussi une représentation sociale, culturelle, symbolique. C'est la projection dans l'espace d'un corps social et une représentation du monde. Elle est l'espace où se vit, se pratique et s'imagine l'univers des Bédouins».
Habitat très pratique du désert L'histoire du Maroc plonge également ses racines dans celles de ces peuples nomades, premières tribus arabes bédouines venues s'installer dans la région à partir des XIVe et XVe siècles. Ils ont apporté avec eux un habitat (khayma) et un mode de vie séculaire encore vivace au Maroc. Cette tente noire, appelée «bayt esh-shaâr», littéralement «maison de poil» est, de très loin, l'abri le plus répandu. Rapidement montée ou démontée, elle s'adapte au climat et convient aux déplacements saisonniers motivés par la recherche de pâturages.
Cette tente marocaine est faite d'étoffes de teinte très sombre, ornées de motifs géométriques (losanges, triangles et chevrons). Ces figures sont connues pour leurs vertus prophylactiques.
Le toit est formé d'un vélum fait d'étroites bandes tissées, en laine et en poils (flij), cousues bord à bord.
Par OUAFAA BENNANI | LE MATIN